Je souligne un passage du roman que je suis en train de lire, Olga Dies Dreaming. C’est un roman de mon book club, je suis plongée dans la lecture, mais je réfléchis en même temps à ce que je raconterai dessus pendant notre rencontre, avec mes copines. Le book club est l’un de mes rares moment social du mois. Il fut un temps où j’avais l’habitude de ne passer qu’un soir ou deux par semaine à la maison. Cette époque semble révolue. Et ce book club n’a même pas lieu en personne, mais via Zoom.
J’adore ce roman, je me force à ne pas le lire trop vite, pour qu’il ne finisse pas déjà. L’histoire me plait. Même si je n’ai rien à voir avec cette wedding planner porto-ricaine qui vit à New York, je m’identifie avec la crise existentielle qu’elle traverse. Après de nouvelles péripéties, l’héroïne s’interroge “What the fuck am I doing with my life?”
Je surligne le passage en hochant la tête.
Cette question : qu’est-ce que je fais de ma vie ? je suis en train de me la poser, sérieusement.
Qu’est-ce que je suis en train de faire, un jour de semaine, à 15h, avachie dans mon canapé, à lire un roman ?
C’est pas l’heure d’aller bosser ?
Mais je n’ai nulle part où aller. J’attends que ma fille se réveille de la sieste.
That’s my life now.
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Depuis mars 2020, tout mon univers professionnel a été chamboulé par la pandémie. D’une part, je travaillais dans le tourisme en proposant des visites guidées de Boston en français, et d’autre part, j’animais un blog qui tirait des revenus de l’affiliation - je touchais une commission sur la vente, via le blog, de chambres d’hôtels et d’activités partout aux Etats-Unis. De temps en temps, j’écrivais des livres - guides de voyage, de yoga, des jeux, des livres de cuisine… C’était un équilibre très sympa professionnellement, et j’avais assez de revenus pour vivre correctement à Boston. C’était la belle vie.
Tout s’est envolé, disparu, le jour où la pandémie a bloqué tous les voyages vers les Etats-Unis.
A ce moment-là, j’avais aussi de potentiels livres de voyages en instance d’écriture qui ont été repoussés… indéfiniment. Ma rencontre avec un éditeur, dans un bar rempli de monde du 10è arrondissement de Paris, quelques jours avant Noël 2019 n’était plus qu’un lointain souvenir.
En mars 2020, je rentrais d’un voyage aux Bahamas quand j’ai découvert en allumant mon téléphone après une semaine sur un catamaran isolé du reste du monde, les nouveaux concepts de “distanciation sociale” et “indice de transmission”. De retour à Boston, il n’y avait déjà plus de papier toilettes dans mon supermarché local. Tous mes rendez-vous de la semaine étaient annulés, par précaution : on ne savait pas grand chose de cette maladie qu’on identifiait encore à une pneumonie sévère.
Quelques semaines plus tard, comme le reste du monde, j’ai fait du banana bread et du sport chez moi. Je sortais deux fois par jour faire une marche de 500 mètres dans ma rue. Ma seule distraction était l’avancée du fleurissement des arbres.
Côté travail, j’ai bricolé des solutions temporaires : j’ai lancé un abonnement payant de mon blog. C’est devenu super intéressant à mesure que des abonné.es rejoignaient ce “club”.
Dans ma vie personnelle, j’ai finalisé l’achat d’un appartement. On s’est lancé dans des travaux. Et puis je suis tombée enceinte.
Pendant ma grossesse, j’ai continué l’abonnement du blog, j’ai aussi eu quelques contrats d’auteur pour rédiger des introductions de livres de cuisine, orientés bien-être. C’était très tranquille, mais comme le monde et la vie normale semblaient suspendus, je n’avais aucun sens de FOMO.
2021 est arrivé.
Ma fille est née.
La vaccination s’est généralisée. Le virus a continué de muter. Les frontières avec l’Europe étaient toujours fermées.
Je vivais dans ma bulle avec ma fille et mon mec. Enfin, “la bulle” c’est pour le côté positif, en vrai, je survivais les nuits hachées et m’occuper d’une nouveau-né sans aide extérieure. C’était sweet, mais c’était aussi dur.
6 mois après la naissance de ma fille, j’ai repris du travail en freelance via quelques contrats d’auteur, j’ai envisagé poster de nouveaux articles sur mon blog mais je ne savais pas bien par où commencer. Mon affaire de visites guidées a trouvé un repreneur, après quelques mois de réflexion et de négociation. Je travaillais par-ci, par-là, pendant les siestes et les congés de mon mec.
Quelques jours après avoir vendu mon entreprise, je discutais avec une copine qui me demandait des nouvelles, et dans son enthousiasme, elle m’a demandé quels étaient mes prochains projets. Au pluriel, comme si j’en avais plusieurs en tête !
“What’s next ?” m’a-t-elle dit avec une gouaille franglaise.
J’ai bredouillé une vague réponse. J’avais envie de savourer mon succès de la vente, et j’ai eu l’impression qu’on m’enlevait la coupe de champagne que je n’avais pas encore terminée de siroter.
“What’s next ?” euh ben là je sais pas trop… (rires gênés)
Ça faisait cool de dire “j’ai vendu mon entreprise”, comme si j’avais vendu une start-up innovante à Google. J’avais gagné de l’argent avec cette vente, pas de quoi prendre ma retraite au soleil pour le restant de mes jours, mais une vente tout de même qui me faisait me dire : je suis tranquille pour plusieurs mois (et sous-entendu, je n’ai pas encore besoin de réfléchir à ce que je vais vraiment faire après).
J’étais intimement convaincue qu’arrêter de gérer Boston le nez en l’air était la bonne décision pour moi, mais je n’avais pas pour autant un “plan” derrière.
L’option la plus simple, c’était de continuer ce que j’étais en train de faire : reprendre des contrats d’auteur, relancer le blog. Les frontières étaient ouvertes à nouveau depuis novembre 2021, les voyages allaient reprendre, et les revenus du blog qui les accompagnent aussi - enfin, peut-être.
Tout ça, c’était refaire la même chose. Sauf que quelque chose clochait. Mon blog était très centré sur les voyages, et les nombreuses expériences culturelles qui ponctuaient ma vie. A présent, ma vie de maman ne me semblait pas assez intéressante pour me mettre à raconter tout ça, et puis je trouvais ça trop personnel.
Cette option de “faire pareil mais en légèrement différent” ne m’allait pas. Mais je n’avais même pas le temps ni l’énergie de réfléchir à autre chose. J’étais 100% dédiée à m’occuper de ma fille. Est-ce que c’était ça, ma réponse : j’étais à présent destinée à devenir mère au foyer pour le restant de mes jours ? Je ne voyais pas d’autre option possible, mais finalement, j’avais tellement attendu ce petit bébé que j’étais heureuse d’être avec elle. Est-ce que ça pouvait me suffire ?
Quelques jours après cet appel fatidique, j’ai fait ce que je fais à chaque fois que quelque chose me perturbe : j’ai ouvert un document sur mon ordinateur.
Page blanche.
J’ai tapé un titre : What’s next.
Il fallait que j’organise mes pensées pour déchiffrer ce mystère de ma next-itude.
La question redoutée était face à moi.
Trois petits mots brillent sur mon écran : what’s next.
Pour lire la suite : #02 - Avant.
Vous venez de lire le premier épisode de What’s Next, un récit chronologique de Mathilde Piton sur la quête de ma prochaine aventure professionnelle (c’est moi, ci-dessous, en février 2022, dans ma salle de bains) :
✎ Et maintenant, place à vous, place à VOS histoires : quand est-ce que vous avez vécu votre plus gros “what’s next” ? est-ce que c’était pendant la pandémie ? suite à un divorce, une mauvaise passe au travail, un anniversaire, une maladie, une naissance, un déménagement…
Racontez-moi à quelle occasion est-ce que votre What’s Next (autrement dit votre “mais qu’est-ce que je vais faire après…”) s’est présenté. Les commentaires ci-dessous sont ouverts aux abonné.es avec une formule payante.
Comme souvent dans les commentaires, soyez gentils les uns envers les autres ; de préférence, ne donnez pas de conseils et évitons les généralités. Ce qui m’intéresse, ce sont les histoires individuelles, vos témoignages, vos récits de vie, racontés à la première personne. Je vous attends ci-dessous, en commentant aux abonné.es à What’s Next (inscrivez-vous !) et je vous donne rendez-vous vendredi prochain pour le prochain épisode :
Et pour rappel, What’s Next, c’est :
un récit, publié ici, sur Substack
une communauté : vous ! qui partagez leur propre expérience à partir de mon récit, en commentaires.
un podcast, publié un vendredi sur deux, sur toutes les plateformes d’écoute. Dans le premier épisode, je parle à Pernelle, une voyageuse au long cours, de son propre What’s Next. Le podcast est accessible gratuitement sur toutes les plateformes d’écoute.
Pour accéder aux commentaires, abonnez-vous à une formule payante de What’s Next, mensuelle ou annuelle. See you on the other side !